mercredi 27 octobre 2010

Au Port-du-Rhin, seuls les petits sont au jardin

Annissa n’aime pas trop gratter la terre parce que ça salit ses bottes. Mais elle mangerait bien les framboises des parcelles voisines. Seulement, c’est un jardin « par-ta-gé » comme le lui rappelle Joëlle Quintin, salariée d’Eco-conseil intervenant sur les 300 m² de plantations du Port-du-Rhin, le "Jardin des petits et grands".
Les enfants ont construit des massifs de fleurs en cascade, délimité des allées, suspendu des mobiles. D’une semaine sur l’autre, l’effectif du groupe varie mais il y a toujours des enfants. A côté, le coin « des grands » fait pâle figure.
Le jardin du Port-du-Rhin ne suscite pas l'engouement des habitants, seule Sultane entretient sa parcelle.
Sur les huit parcelles réservées aux habitants, une seule est jardinée. Joëlle Quintin a une explication : « Ce n’est pas une initiative des habitants du quartier, la ville l’a créé il y a un an avec un objectif : l’éducation à la nutrition ». Dans les autres quartiers strasbourgeois, les habitants ont été accompagnés par Eco-conseil et gèrent aujourd'hui de manière autonome les jardins. Mais au Port-du-Rhin, Sultane a vu progressivement les autres particuliers abandonner leur lopin de terre. "Quand je jardine, les passants me disent que je perds mon temps, que je me casse la tête pour rien. Ici, les gens ne sont pas assez sérieux, personne n'est prêt à dépenser de l'énergie pour trois ou quatre tomates !" Elle, ne travaille pas la terre pour la récolte, détruite plusieurs fois pour cause de gel mais aussi de malveillance. « Pour moi, c'est d'abord un passe-temps. J'ai planté pour voir, m'amuser, être dehors avec ma fille. Quand j'ai une heure, j'y passe toujours un moment. Mais ici les habitants préfèrent rester chez eux. »


Joëlle Quintin intervient dans les différents jardins partagés pour accompagner les associations d'habitants ou organiser des ateliers pour les enfants.
 Aussi, au Port-du-Rhin, la vie du jardin est-elle assurée par les associations et structures à destination des jeunes qui se relaient dans l’espace vert. A chacun son carré de tomates : ici celui de la halte-garderie, là celui du centre de loisirs et à côté, la parcelle de l'association Au-delà des ponts. Après chaque séance de jardinage, les enfants participent à un atelier cuisine, pour coller au moins à l'objectif du jardin : éduquer à la nutrition. Pas forcément nécessaire : « Du fait de leurs origines, les jeunes consomment déjà beaucoup de plats à base de légumes. Il ne faut pas se faire d’illusion, le problème c’est l’argent : encore faut-il avoir les moyens de bien manger », remarque l'intervenante d'Eco-conseil.
Et pour preuve qu'au Port-du-Rhin, c'est les parents qui boudent les légumes et non les enfants, le petit Mohamed montre « la bien belle plante qu’il a trouvée » : un chou-rave. Et ceux que Sabrina préfère ? « Les pâtes et… les carottes !».


N. R.

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