mardi 2 novembre 2010

Tous à la navette

Depuis trois ans, la navette du marché Neudorf parcourt le quartier. La centaine de passagers hebdomadaire n'a pas toujours le cheveu grisonnant.

8 heures. Heure de pointe pour les mamies du Schluthfeld. Rue de Saint-Dié, les portes d'immeubles s'ouvrent. La canne sous le bras, elles extirpent des halls, cabas, paniers et caniches. Écharpes écossaises nouées court, feutre vissé sur la tête, on se salue de loin sur le trottoir.
D'un pas tranquille elles viennent se poster à l'arrêt de la navette marché. Toujours en avance, les deux voisines prennent des nouvelles en alsacien. Le petit bus se profile dans la longue rue.




« Vous allez bien Mme Ziegler ?» lance le chauffeur en quittant son siège. Le ticket déjà en main quand la porte s'ouvre, les grand-mères sont ravies des attentions du jeune homme. D'un bras il attrape le cabas, donne l'autre aux dames. Ils sont deux à effectuer le roulement sur la ligne. « Ils sont supers, cools, tranquilles avec les grand-mères. Ils nous connaissent, ne nous bousculent pas et pas besoin d'appuyer sur le bouton pour descendre au retour, ils se souviennent toujours de notre arrêt », confie Mireille Ziegler




Rue Jules Rathgeber, un monsieur entre et se poste aux côtés du chauffeur. Taquineries habituelles : ce matin, la navette est en retard. Mais le passager est plus que compréhensif : « Quand je vais à la pharmacie, il m'attend », sourit l'homme, complice, derrière son épaisse moustache grise.
Les deux amies qui montent à l'arrêt Schluthfeld balaient d'un coup d'oeil circulaire l'habitacle. Estimation du nombre de printemps au compteur des passagers, puis litanie de politesses pour que revienne la place libre à celle que les fringantes petites dames pensent être la doyenne.

Elles se cramponnent à la barre. Rouge à lèvre bien mis, chignon impeccable, l'une d'elles se souvient de l'après-guerre. Du temps où le quartier limité par la route de l'hôpital, Krimmeri et le Heyritz comptait une cinquantaine de commerces. « Quand j'ai emménagé, il y avait des boulangeries, des boucheries et des épiceries. Aujourd'hui tout a fermé et pour la moindre course, il faut compter une demi-heure de marche ! ». La navette ? Une bénédiction. Sans elle, pas de marché pour les passagères. « C'est un groupe de veuves qui s'est réuni dès 2002 pour réclamer une navette », expliquera plus tard Monique Schutser, présidente de l'Association de défense et de promotion du Schluthfeld. « Cinq ans plus tard, nous l'avions ! »

9h30. Madame Hopk a fait la « grasse matinée » aujourd'hui. Avec d'autres curieuses, elle se renseigne sur les emplettes de celles qui ont déjà joué des coudes entre les étals. Le potimarron fait l'unanimité. En soupe ou farci ? Quoi qu'il en soit, il n'est pas besoin de l'éplucher avant cuisson apprend Fatima, une jeune maman qui emprunte la navette pour gagner du temps.





Arrêt Ziegelau. On rembobine les longes des toutous, ramènent les cabas à ses pieds pour faire place à la poussette. Un père et son fils embarquent. Antoine, 5 ans, ne tient pas en place. Le père gronde discrètement, le fils l'ignore royalement. Le père ferme les yeux quand l'enfant fait le cochon-pendu.
Cela fait rire les mamies, les enfants turbulents.

Esther Degbe
Noémie Rousseau

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